Entretien : les « 100 mots du droit international » selon le Professeur Denis Alland
Le 19 mai 2021 sortait le dernier ouvrage du Pr D. Alland, membre de l’Institut. L’équipe des doctorants avait quelques questions à poser à propos de cette entreprise qui propose de synthétiser le droit international en 100 mots, pas un de plus !
L’équipe du blog (EB) : Comment présenteriez-vous votre ouvrage en quelques lignes ?
Professeur Denis Alland (Pr D.A.) : Un outil portable, une source de questions, un moyen d’évaluer ses connaissances et, dans le meilleur des cas, une approche distrayante du droit international public.
EB : Dans quel état d’esprit avez-vous débuté ce travail ? Celui-ci a-t-il évolué au cours de sa réalisation ?
Pr D.A. : Pour dire la vérité, malade du Covid à ce moment, je ne me sentais pas capable de réaliser un travail demandant de longues plages de temps. Je pensais qu’un travail fractionné était accessible à mon état de faiblesse. Oui cela a évolué car je me suis pris au jeu et ces dispositions terre-à-terre du début sont passées au second plan pour s’orienter vers l’ouverture de petites portes sur l’infini des pratiques.
EB : Quelle a été la méthodologie employée en vue de réaliser l’ouvrage (choix des mots, travail de synthèse, etc.) ?
Pr D.A. : Dresser une liste n’a pas posé de problème. La difficulté a été d’identifier des critères de choix et de sélection. Or ceux-ci dépendent de ce que l’on imagine être le public lecteur : s’agit-il exclusivement d’étudiants débutants ou aussi d’étudiants confirmés ou de collègues aptes à saisir les nuances ? Je n’ai jamais pu trancher et à mon avis cela se ressent dans certains choix (dans la deuxième hypothèse « ligne de base » par exemple ou certains termes relatifs au droit de la mer auraient pu être remplacés par d’autre termes -voir votre question 5).
EB : Dans les propos introductifs, vous prévenez le lecteur que votre Que sais-je ? n’est pas un dictionnaire de droit international : Quel en est le critère distinctif ? Comment évalueriez-vous sa valeur ajoutée par rapport à l’exercice particulier du dictionnaire ?
Pr D.A.: C’est très simple. Le dictionnaire apporte des définitions. Si je ne peux occulter ces dernières, naturellement, je m’attarde moins sur la sémantique et davantage sur un bref commentaire de ce que les termes désignent en pratique et sur les difficultés qu’ils peuvent soulever. Parfois j’y mets mon opinion personnelle.
EB : La réalisation de ces 100 mots vous a-t-elle permis d’identifier des questions de droit international insuffisamment explorées ?
Pr D.A. : Sincèrement je ne crois pas.
EB : Selon le Pr Serge Sur, « choisir c’est d’abord écarter, même à regret » : quels sont les termes que vous regrettez ne pas avoir inséré parmi les 100 mots ?
Pr D.A. : Je regrette d’avoir omis « opposabilité et non-opposabilité », « compétence », « pouvoir », « proportionnalité » … et bien d’autres mais ce ne sont pas Les 1 000 mots du droit international ! Je regrette aussi de n’avoir pu développer davantage « territoire », « coutume » ou « protection diplomatique ».
EB : À la lecture de l’ouvrage on réalise rapidement que chaque notion renvoie à d’autres : peut-on y voir une mise en échec des tendances actuelles des internationalistes à la spécialisation au détriment d’une approche systémique ?
Pr D.A. : C’est un effet de renvoi banal que provoquent aussi les dictionnaires, ou certains ouvrages de maître de philosophie dont les concepts renvoient spéculairement à la pensée exprimée par ces mêmes concepts. Voyez l’index que les PUF ont aimablement accepté que j’intègre à l’ouvrage. Cela dit, la spécialisation si elle s’accompagne d’une fermeture non seulement aux autres branches d’une discipline mais encore aux autres disciplines engendre des dommages considérables, je vous renvoie à la première « règle pour la direction de l’esprit » de Descartes.
EB : Quel pourrait être le 101ème mot du droit international ?
Pr D.A. : Il m’est très difficile de répondre à cette question car soit ce serait un mot de la fin, très important, que j’aurais dès lors oublié (ce que je n’espère pas), soit ce serait un des multiples termes dont je regrette qu’il ait dû être laissé de côté (en ce cas comment choisir ? voir votre question 5), soit ce serait un terme qui, sans être spécifique au droit international, aiderait à progresser dans sa compréhension (en ce cas je choisirais « curiosité intellectuelle »).
Les 100 mots du droit international, aux éditions PUF.