Calendrier de l'avent

11 décembre : Happy Xmas (War is over) … if you want it!

Que serait Noël sans ses chants que l’on connaît (presque) tous par cœur, que l’on commence à fredonner dès le début du mois de décembre : All I want for Christmas is You (Mariah Carey), Last Christmas (Wham!), Quarantine Christmas (Aaron Taos), Petit Papa Noël (Tino Rossi) et tant d’autres ?

La Récré vous partage aujourd’hui sa playlist de Noël, à l’antenne de notre radio, Happy Xmas de l’auteur-compositeur britannique John Lennon que l’on ne présente plus, membre emblématique des Beatles, et de son épouse Yoko Ono.

« Ils s’amusent bien à la Récré ! », diriez-vous… mais si John Lennon et Yoko Ono ont écrit cette chanson de Noël en 1971, ce n’était pas dans l’unique but que vous l’entendiez résonner dans les marchés de Noël. Happy Xmas illustre musicalement leur campagne pour la paix menée en 1969 avec les slogans « War is over. If you want it !». Happy Xmas porte un message pacifiste et politique à propos d’une guerre, fortement médiatisée et contestée, opposant le Nord-Viêtnam et le Sud-Viêtnam.

“A very merry Christmas
And a happy New Year
Let’s hope it’s a good one
Without any fears

And so this is Christmas
For weak and for strong
The rich and the poor ones
The war is so long”

« La guerre est si longue ». La guerre du Viêtnam est une guerre idéologique, une guerre « chaude » en pleine Guerre Froide, entre le Nord-Viêtnam soutenu par l’URSS et la Chine et le Sud-Viêtnam défendu par les Etats-Unis. Dès 1961, le Président Kennedy engage les Etats-Unis au Sud-Viêtnam, qui resteront présents sur le territoire vietnamien jusqu’en 1975.

Bien que des enfants chantent en cœur « War is over » dans Happy Xmas, la guerre n’est pas encore finie en 1971. John Lennon et Yoko Ono montrent indirectement leur opposition à l’intervention états-unienne au Viêtnam. Ils n’ont d’ailleurs pas été les seuls artistes à contester, par la musique, cette guerre menée par les Etats-Unis. Le groupe de rock’n’roll The Doors a également exprimé ce point de vue dans leur titre The Unknown Soldier (1968).

Au regard du droit international, deux grandes questions étaient soulevées : la conformité de l’intervention au jus ad bellum, le droit de faire la guerre, et le respect par les Etats-Unis du jus in bello, le droit dans la guerre.

Les Etats-Unis justifièrent cette intervention en invoquant le célèbre article 51 de la Charte des Nations Unies consacrant « le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée ». Ainsi selon eux, le Sud-Viêtnam étant attaqué par le Nord, il était donc en droit d’ exercer sa légitime défense « collective » en invitant les forces militaires états-uniennes à le défendre.

Après la première guerre d’Indochine, les accords de Genève de 1954 ont temporairement prévu la séparation du Viêtnam en deux zones par une ligne d’armistice. Selon les accords, les deux zones devaient se réunir en 1956 après des élections générales. Existait-il deux Etats souverains et indépendants ? L’agression armée du Nord-Viêtnam envers le Sud était-elle celle d’un Etat envers un autre, (qui n’est pas Membre des Nations Unies), ou bien une guerre civile ? Le paragraphe 6 de la déclaration finale de la Conférence de Genève du 21 juillet 1924 précisait pourtant bien que « la ligne de démarcation militaire est une ligne provisoire et ne saurait en aucune façon être interprétée comme constituant une limite politique ou territoriale ».

L’intervention états-unienne était également regardée comme une ingérence dans les affaires intérieures du Viêtnam et comme une atteinte au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes consacré à l’article 1§2 de la Charte des Nations Unies.

Pour aller plus loin sur la conformité de l’intervention au jus ad bellum : P. Isoart, « Les conflits du Vietnam. – Positions juridiques des Etats-Unis », A.F.D.I., 1966, pp. 50-88 ; C. Chaumont, « Analyse critique de l’intervention américaine au Viêtnam », R.B.D.I., 1968, pp. 61-93.

Concernant le respect du jus in bello, qu’il s’agisse d’un conflit armé international ou non international, la guerre doit respecter l’article 3 commun au quatre Conventions de Genève relatives au droit international humanitaire et les règles coutumières établies en la matière.

“So this is Christmas
And what have you done
Another year over
A new one just begun”

Les artistes comme John Lennon et Yoko Ono condamnaient la guerre du Viêtnam en raison de son inhumanité, du non-respect des règles internationales sur l’art de la guerre (notamment l’emploi d’armes interdites par la Convention de la Haye de 1907)  et sur la protection des populations civiles. En 1971, John Lennon et Yoko Ono souhaitaient à l’Humanité :

“And so happy Christmas
For black and for white
For yellow and red ones
Let’s stop all the fights

A very merry Christmas
And a happy New Year
Let’s hope it’s a good one
Without any fears”

Et bien l’année 1972 ne fut pas ce qu’ils espéraient. Les Etats-Unis commencèrent, le 18 décembre 1972, à bombarder le Nord-Viêtnam, en particulier Hanoï, jusqu’au 29 décembre, épisode sanglant communément appelé The Christmas bombings.

Pour aller plus loin sur le respect du jus in bello : H. Meyrowitz, « Le droit de la guerre dans le conflit vietnamien », A.F.D.I., 1967, pp. 153-201.

Quelques semaines avant que ce chant de Noël plein d’espoir ne soit révélé au grand public, c’était par le célèbre morceau Imagine que John Lennon tentait de transmettre son message de paix par des paroles très utopistes : « Imagine there’s no countries … », la Récré n’existerait pas dans ce cas !

Clémence Billard

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